Sécurité routière et mobilités actives : ce que révèlent vraiment les données

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Résumé

Face à l’essor des mobilités actives, le débat public véhicule de nombreuses affirmations sur la dangerosité des cyclistes, des questionnements sur l’efficacité des limitations de vitesse ou la sécurité supposée des SUV. Pourtant, les chiffres de l’ONISR (Observatoire Nationale Interministériel de la Sécurité Routière, ministère de l’Intérieur) racontent une autre histoire.

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Entre perception et réalité, cet article décrypte trois discours récurrents. En s’appuyant sur des données officielles et des exemples européens, cet article aide à démêler le vrai du faux et à comprendre comment rendre la route plus sûre pour toutes et tous.

En France, l’usage du vélo a progressé de 37 % entre 2019 et 2023, d’après Vélo & Territoires. Cette évolution transforme les territoires mais elle met aussi en lumière une réalité : les piétons et cyclistes font partie des usagères et usagers les plus vulnérables sur la route.

Pourtant, le débat public reste souvent parasité par des idées simplistes ou des discours culpabilisants, qui freinent l’action collective. Comment développer des infrastructures cyclables sécurisées quand l’opinion publique associe parfois vélo et danger ? Comment justifier des limitations de vitesse quand on entend parfois que « cela ne sert à rien » ? 

C’est pourquoi il est essentiel de dépasser les perceptions pour s’appuyer sur les faits.

Ce qu’on entend souvent : « Le vélo, c’est dangereux »

Le risque pour les cyclistes est visible : leur vulnérabilité physique, la médiatisation des accidents ou encore le manque d’habitude de partage de la route entretiennent l’idée que le vélo serait dangereux “par nature”. En réalité, c’est l’environnement qui est dangereux : routes rapides sans aménagements, intersections mal conçues, comportements inadaptés

Ce que révèlent vraiment les données

  • En nombre absolu, les automobilistes restent bien plus souvent victimes d’accidents mortels que les cyclistes. En 2024, 224 cyclistes ont perdu la vie sur les routes françaises, contre 1 518 automobilistes. Mais ces chiffres doivent être replacés dans leur contexte : les automobilistes sont bien plus nombreux et parcourent des distances beaucoup plus importantes que les cyclistes. Rapporté au temps passé à se déplacer, le risque à vélo est ainsi 4 fois plus important qu’en voiture mais 7 fois moins important qu’en deux-roues motorisé.
  • Les analyses de responsabilité montrent également que dans deux tiers des accidents mortels impliquant un cycliste, celui-ci n’est pas responsable : il est percuté, renversé ou victime d’une manœuvre dangereuse d’un autre usager.
  • Enfin, plus de la moitié des décès de cyclistes surviennent hors agglomération (56 %), souvent à cause de différentiels de vitesse très élevés avec les véhicules motorisés et d’un manque d’aménagements dédiés pour protéger les cyclistes (sources : bilans de la sécurité routière 2024 et 2023).

Ce qu’on entend souvent : « Baisser la vitesse ne sert à rien »

Limiter la vitesse est souvent perçu comme une contrainte inutile, voire une entrave à la liberté de circuler. Pourtant, cette mesure est l’un des leviers les plus efficaces pour protéger les usagères et usagers les plus vulnérables.

Ce que révèlent vraiment les données

En 2024, la vitesse demeure la première cause des accidents mortels en France, impliquée dans un tiers d’entre eux (source : bilan de la sécurité routière 2024).

Et les données sont sans appel : plus la vitesse d’un véhicule est élevée, plus le risque de blessures graves et de décès pour un piéton ou un cycliste percuté est grave.

Les expérimentations menées en France et en Europe montrent que la réduction des vitesses sauve des vies :

  • le passage de 90 à 80 km/h sur le réseau secondaire a permis d’éviter 349 morts entre juillet 2018 et décembre 2019 (source : Cerema),
  • à Bruxelles, la généralisation du 30 km/h a entraîné une baisse de 25 % des blessés graves et des décès dès la première année (source : La Libre).

Ce qu’on entend souvent : « Les SUV sont plus sûrs »

Les véhicules de type 4×4 urbain, aussi appelés SUV, séduisent par leur gabarit imposant et le sentiment de sécurité qu’ils offrent à leurs conducteurs. Cette protection individuelle s’accompagne malheureusement souvent d’un coût collectif : une violence accrue des collisions, du fait du poids de ces véhicules. Leur diffusion massive soulève ainsi de réels enjeux de sécurité, en particulier pour les usagers les plus vulnérables comme les piétons et les cyclistes.

Ce que révèlent vraiment les données

Les SUV représentent 50 % des ventes de voitures neuves en France en 2025 (source : filière PFA). Leur argument de vente principal : la sécurité, grâce à un habitacle haut et massif.

Pour leurs occupantes et occupants, c’est souvent vrai : les SUV protègent mieux en cas de choc frontal. A L’échelle collective cependant, ils aggravent la dangerosité de la route : 

  • un piéton ou un cycliste heurté par une voiture dont le capot est 10 cm plus haut que la moyenne court un risque de blessures mortelles 30 % plus élevé (source : Institut Vias),
  • les accidents provoqués par les SUV en 2019 étaient près de 10 % plus nombreux que les sinistres causés par les autres voitures de tourisme, et jusqu’à 27 % plus élevés pour les gros SUV, selon une étude de l’assureur AXA Suisse.

Repenser la sécurité routière : la vision zéro et le système sûr

Ces constats montrent les limites d’une approche centrée uniquement sur les comportements individuels. Pour progresser, la sécurité routière doit être pensée comme un système global, où chaque composante (aménagements, véhicules, vitesse, usagers) contribue à éviter les conséquences graves des erreurs humaines. 

Pendant des décennies, les politiques de sécurité routière se sont en effet concentrées sur les comportements (sensibilisation, répression). Cette approche a ses limites car l’erreur humaine est inévitable.

C’est ce constat qui fonde la Vision Zéro, une approche née en Suède à la fin des années 1990 et adoptée depuis dans de nombreux pays et villes. Elle repose sur une idée simple, presque radicale : aucune mort sur la route n’est acceptable et le système doit être conçu pour que les erreurs n’entraînent pas de conséquences irréversibles.

Ce changement de perspective politique repose sur une déclinaison opérationnelle que l’on appelle système sûr. L’objectif n’est pas de corriger l’humain mais d’adapter le système à ses limites physiques, cognitives et sociales. Cela suppose de repenser entièrement notre manière d’envisager la sécurité routière.

Pour cela, le système sûr s’articule autour de cinq piliers complémentaires :

  • des aménagements indulgents, qui limitent les conséquences d’une erreur. Par exemple, un carrefour bien conçu ou une piste cyclable séparée permettent de réduire les conséquences d’une faute d’inattention ;
  • une maîtrise des vitesses, adaptée au contexte et à la vulnérabilité des usagères et usagers présents ;
  • des véhicules plus sûrs, non seulement pour leurs occupantes et occupants, mais aussi pour celles et ceux qu’ils croisent ;
  • des comportements sûrs, où chacune et chacun contribue à la sécurité du système. La formation, la sensibilisation et des règles claires permettent d’ancrer cette culture commune ;
  • des secours et soins post-accident efficaces, pour réduire la gravité des blessures et les séquelles, en garantissant une prise en charge rapide et coordonnée.

Se former pour agir

L’ADMA accompagne cette mutation en proposant la formation « Comprendre les enjeux de sécurité routière à l’heure de la démocratisation des mobilités actives ». 

En neuf heures, réparties sur trois demi-journées à distance, cette formation gratuite pour les participant·es permet d’explorer les fondements de la vision zéro et du système sûr.

On y découvre comment la sécurité routière s’est construite, comment les médias façonnent nos représentations et sur quels leviers concrets agir. Au travers d’apports théoriques, d’échanges entre les participantes et participants et d’exercices pratiques, elle aide à déconstruire les préjugés et à adopter une approche systémique de la sécurité, pour une route plus sûre pour l’ensemble des usagères et usagers.

Pour en savoir plus et vous inscrire à la prochaine session, qui aura lieu entre le 25 novembre et le 5 décembre 2025 : https://www.mobilites-actives.fr/formation/comprendre-les-enjeux-de-securite-routiere-a-lheure-de-la-democratisation-des-mobilites-actives/


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