Les vitesses du vélo : pourquoi et comment les prendre en compte dans les aménagements ?

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Résumé

Le développement de la pratique cyclable s’accompagne d’une diversification des usages et des vitesses. Comment concevoir des infrastructures adaptées à ces différentes vitesses tout en garantissant sécurité et confort pour toutes et tous ? Tour d’horizon des enjeux et solutions techniques.

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Des cyclistes variés aux vitesses hétérogènes

Sur une même piste cyclable, une grande diversité d’usagères et usagers (et, ainsi, de vitesses) cohabitent. Plusieurs éléments déterminent les vitesses pratiquées : l’âge et l’expérience du cycliste, le type de vélo et son équipement, la topographie du parcours, les conditions météorologiques, mais aussi le moment et l’objet du déplacement (utilitaire, sportif, loisir) et les conditions de circulation et de cohabitation avec les autres usagères et usagers.

L’étude sur la vitesse des vélos de l’ADMA illustre cette diversité : 

  • À Lyon, l’analyse de milliers de trajets des vélos en libre service Vélo’v a montré qu’un après-midi de week-end, les vitesses moyennes étaient autour de 10 km/h, contre 13,5 km/h aux heures de pointe du matin, ce qui reflète la différence entre déplacements de loisirs et trajets utilitaires.
  • À Stockholm, les vitesses nocturnes (22h-6h) mesurées étaient plus élevées que celles observées en journée (9h-15h), et les conditions météorologiques influent fortement : 16 km/h en mai contre 13,8 km/h en janvier en raison de la neige.
  • En Allemagne, une étude a mis en évidence que les cyclistes ralentissent dans les zones piétonnes (environ 12,7 km/h) par rapport aux aménagements cyclables dédiés (16,7 km/h). À Toronto, les cyclistes réduisent également leur allure à l’approche des intersections (de 17,1 km/h à plus de 35 mètres, à 14,7 km/h en zone de feu).

Les profils des cyclistes et les caractéristiques des vélos jouent aussi un rôle important :

  • les plus jeunes roulent plus vite que les plus âgés : en Allemagne, les moins de 40 ans circulaient en moyenne à 16,6 km/h, contre 13,9 km/h pour les plus de 65 ans ;
  • l’usage du VAE accroît la vitesse moyenne (de 15,3 km/h en vélo mécanique à 17,4 km/h en VAE), avec toutefois des écarts selon l’âge : 20,5 km/h en moyenne chez les moins de 40 ans, contre 14,8 km/h chez les plus de 65 ans ;
  • la taille du groupe influence aussi la vitesse : en Chine, la moyenne observée était de 23,4 km/h seul, contre 18,3 km/h à quatre.

Cette diversité crée des différentiels de vitesse importants sur un même aménagement. Ces écarts génèrent des dépassements fréquents, parfois risqués sur des pistes trop étroites, et peuvent créer des situations de stress et un sentiment d’insécurité pour les usagères et usagers les plus lents.

L’enjeu est de garantir à la fois la sécurité et la fluidité de circulation pour tous ces profils différents. Pour éviter que ces écarts ne deviennent source de conflits ou d’accidents, il est essentiel que les aménagements permettent à chacune et chacun de circuler à son rythme, en toute sécurité.

Milieu urbain ou rural : adapter selon l’environnement

La question des vitesses à vélo renvoie directement à l’organisation du réseau. Dans un environnement contraint ou partagé, la vitesse moyenne dépend en effet largement du nombre d’arrêts, des intersections ou du trafic motorisé. C’est pourquoi il est essentiel de hiérarchiser les réseaux et de définir un plan de circulation pour pouvoir penser les aménagements.

En ville : permettre une circulation rapide mais apaisée

Le vélo est souvent plus rapide que la voiture en ville, notamment lorsqu’il bénéficie d’aménagements continus et directs lui permettant d’éviter les bouchons. Cette efficacité explique en partie son succès croissant pour les déplacements utilitaires. Les aménageurs doivent donc créer des axes cyclables directs et rapides pour préserver cet avantage concurrentiel.

Une hiérarchisation adaptée du réseau dans un schéma cyclable permet de définir en amont les axes structurants et les apaiser et donne des éléments pour le choix du type d’aménagement à mettre en œuvre. Le réseau peut ainsi comprendre des itinéraires « express », parfois appelés réseaux express vélo (lire ci-dessous).

Sur certains axes et lieux « apaisés » n’ayant pas intérêt à faire partie d’itinéraires structurants pour les cyclistes, il existe une forte présence piétonne où il est particulièrement important de prendre en compte les publics fragiles (comme les enfants). On peut citer les places, les abords d’école ou d’équipements recevant du public, les centres anciens, etc. Si les cyclistes ont accès à ces espaces, la cohabitation est à organiser entre piétons et cyclistes (dans le cadre d’aires piétonnes ou zones de rencontre). Le réseau doit cependant être organisé pour proposer des alternatives aux cyclistes pour lesquels ces espaces n’ont pas intérêt à devenir des lieux de traversée.

Hors des villes : organiser le réseau pour circuler en sécurité

Sur les routes rurales ou hors des agglomérations, la nécessité de protéger les cyclistes du trafic rapide devient cruciale. Les différentiels très importants de vitesse entre vélos et voitures créent des situations potentiellement dangereuses, notamment en cas de dépassement.

Comme en milieu urbain, une hiérarchisation du réseau est indispensable pour permettre la circulation de tous les cyclistes en sécurité. Un plan de circulation adapté doit permettre de limiter le trafic de transit à certains axes identifiés, afin d’apaiser les autres et de les rendre cyclables (lire la note de position de la FUB “Assurer la sécurité des cyclistes en milieu rural”). 

Lorsque le trafic ou la vitesse ne permettent pas ce partage, une séparation devient nécessaire (lire notre article “Dispositifs de séparation entre cyclistes et usagers motorisés : trouver l’équilibre entre sécurité et confort”).
En zone rurale, il est également pertinent de concevoir des aménagements qui répondent à la fois aux besoins du quotidien et aux usages de loisirs ou touristiques, afin de mutualiser les infrastructures et les coûts associés.

Connecter, sécuriser, faciliter : le rôle des réseaux express vélo (REV) 

Les réseaux express vélo répondent à un besoin croissant : permettre à toutes et tous les cyclistes, quels que soient leur profil et leur vitesse de pratique, de parcourir des distances moyennes à longues dans de bonnes conditions de confort et de sécurité. Déployés aujourd’hui aujourd’hui dans plusieurs métropoles en France et en Europe, ils sont également une solution pertinente pour les villes moyennes (lire la note de position de la FUB sur les REV).

Partie intégrante de l’offre globale de mobilité, les REV doivent être connectés aux transports collectifs (gares, pôles multimodaux, arrêts de bus structurants). Ils contribuent à relier efficacement les territoires entre eux, tout en améliorant le cadre de vie par une réduction des nuisances liées à la circulation motorisée.

Ces infrastructures présentent plusieurs caractéristiques communes, dont :
des largeurs adaptées pour permettre le croisement et le dépassement en toute sécurité ;
une continuité maximale de l’itinéraire, avec une attention particulière à la priorité et à la lisibilité aux intersections ainsi qu’à la mise en place d’îlots de protection ;
une identification spécifique permettant de reconnaître facilement ces axes structurants ;
des services associés.

Selon les contextes, les REV peuvent prendre différentes formes : des pistes cyclables séparées, mais aussi des vélorues supportant un très faible trafic automobile.

Ils constituent la colonne vertébrale d’un réseau cyclable hiérarchisé, complété par des itinéraires secondaires et des voies de desserte fine.

Comment adapter les aménagements aux différentes vitesses des cyclistes ?

Des pistes assez larges pour dépasser sans danger

La largeur des aménagements est un facteur essentiel à considérer pour permettre une cohabitation harmonieuse entre cyclistes évoluant à différentes vitesses. Ces derniers peuvent prendre toute leur place sur des aménagements de type vélorue ou sur des voies partagées mais avec un très faible trafic motorisé. En revanche, lorsque des aménagements séparatifs de type cyclable sont mis en place, cela peut entraîner une contrainte pour les cyclistes. En effet, une piste trop étroite interdit tout dépassement fluide et alimente les tensions.

Les recommandations techniques du Cerema préconisent des largeurs minimales en section courante : 

  • Pour les pistes unidirectionnelles : 2,50 m souhaitable (2 m minimum), en fonction du trafic.
  • Pour les pistes bidirectionnelles : 3,50 m souhaitable (3 m minimum). Sur les secteurs à fort trafic, le Cerema suggère même d’aller jusqu’à 4 m pour rendre possible la circulation à deux de front dans chaque sens. À l’inverse, en milieu peu fréquenté (quelques centaines de vélos/jour, notamment en zone interurbaine), il peut être envisagé d’abaisser la largeur à 2,5 m, à condition de prévoir des accotements stabilisés pour tolérer les écarts de trajectoire hors revêtement. Dans le cas où l’aménagement d’une voie verte serait jugé pertinent, les flux piétons et cyclistes attendus sont également à prendre en compte pour déterminer la largeur nécessaire de cette voie. Le Cerema s’inspire des recommandations allemandes pour préconiser une largeur minimale entre 3 et 4 mètres selon le trafic cumulé piétons et cyclistes. Selon le contexte, des largeurs plus importantes peuvent être envisagées. Dans le cas de fréquentations piétonnes et/ou cyclistes significatives, même limitées à certains moments de l’année ou de la journée, une largeur importante ne suffira cependant pas forcément à accueillir cyclistes et piétons et leur vitesses respectives de façon sereine. D’autres solutions sont alors à privilégier, en réfléchissant à la hiérarchisation du réseau.

En montée, les cyclistes adoptent souvent une trajectoire moins rectiligne en raison de l’effort fourni et de leur vitesse plus faible. Cette réalité justifie, lorsque c’est possible, la mise en place de surlargeurs spécifiques dans les sections en pente. Le guide technique Aménager pour les piétons et pour les cyclistes de Vélo Québec recommande par exemple une surlargeur de 60 cm pour des pentes de 6 à 9 % sur une distance comprise entre 75 et 100 mètres.

Des virages et intersections pensés pour anticiper

Plus une ou un cycliste roule vite, plus sa distance de freinage augmente et plus elle ou il a besoin d’anticiper les obstacles ou changements de direction. Par ailleurs, comme pour d’autres véhicules, la force centrifuge agit sur le vélo. Selon sa vitesse et son gabarit, le ou la cycliste peut être déporté et dévier de sa trajectoire dans les virages. La conception des virages et intersections doit donc tenir compte de ces paramètres :

  • assurer une bonne visibilité en amont des intersections (dégagement visuel, végétation contrôlée, suppression du stationnement) ;
  • privilégier des courbes à grand rayon de giration sur les axes structurants où les vitesses sont plus élevées. De façon générale, les rayons de giration doivent permettre à tous types de vélos de rouler en sécurité à une vitesse adaptée au contexte. Dans son guide de recommandations, le Cerema propose des rayons de giration selon la vitesse à prendre en compte pour les cyclistes. Ces préconisations sont cependant à compléter par la prise en compte de gabarits de vélos potentiellement importants (vélos adaptés, vélos cargos…) ;
  • envisager des surlargeurs (en plus de l’adaptation du rayon de giration) dans les virages ;
  • marquer clairement les trajectoires pour rendre les intersections lisibles et prévisibles ;
  • adapter les temps de dégagement pour tous les véhicules (dont les vélos) aux intersections avec feux en se basant sur des vitesses réalistes, afin de garantir la sécurité de toutes et tous les cyclistes, notamment les plus lents.
  • prendre en compte, dans les carrefours, la possibilité pour les cyclistes de ralentir et/ou se stocker pour anticiper un mouvement tournant, en dimensionnant selon le volume potentiel des flux cyclistes ;
  • privilégier la réduction de la circulation motorisée sur les carrefours plutôt que leur gestion par des feux ;
  • faire comprendre par un aménagement intuitif le besoin pour les cyclistes de ralentir à l’entrée et à l’intérieur des zones partagées entre piétons et cyclistes (zones de rencontre, aires piétonnes).

Ces principes sont particulièrement importants dans les descentes, où les vitesses peuvent être nettement plus élevées. Dans ces situations, il est préférable de prévoir des pistes plus larges et d’éviter les virages serrés ou les obstacles qui pourraient surprendre un cycliste lancé.

Une signalisation claire pour tous les rythmes

Un aménagement compréhensible de façon intuitive a plus de chances d’être approprié par les usagers et usagères. Le revêtement, la création de seuils symboliques, le mobilier, l’ambiance urbaine, les plantations, les espaces de repos ou de service ou encore certains marquages d’animation constituent autant d’indices permettant aux cyclistes d’adapter naturellement leur vitesse.

Par ailleurs, certains équipements de signalisation sont obligatoires et encadrés par l’Instruction interministérielle sur la signalisation routière (IISR). Ils doivent être suffisamment visibles et cohérents avec l’aménagement proposé.

En complément, certaines collectivités choisissent de renforcer ce dispositif réglementaire par des actions de communication, des marquages spécifiques ou des interventions ponctuelles, afin de sensibiliser les usagers et usagères et les inciter à ajuster leur allure dans les contextes sensibles.

La signalisation doit être visible à toutes les vitesses : suffisamment en amont pour les cyclistes rapides, suffisamment claire pour la compréhension de toutes et tous. L’usage de pictogrammes universels (vélo, piéton, enfant) facilite la compréhension immédiate.

Des itinéraires sans coupures ni obstacles inutiles

La fluidité des parcours est un facteur d’attractivité pour tous les cyclistes, quelles que soient leurs vitesses. Elle contribue à rendre le vélo compétitif face aux autres modes de transport, notamment en milieu urbain.

La continuité des aménagements est donc un critère important :

  • proposer des itinéraires complets continus à l’échelle du territoire, et limiter au maximum les détours, notamment pour les réseaux express vélo,
  • éviter les ruptures de pistes qui obligent à réintégrer la circulation générale,
  • limiter les obstacles (potelets, barrières) aux stricts besoins de sécurité,
  • assurer un revêtement de qualité et un entretien régulier pour permettre une progression fluide,
  • réduire les « stop & go » en privilégiant les carrefours à priorité cycliste ou les cédez-le-passage cycliste aux feux,
  • généraliser les double sens cyclables (en limitant lorsque c’est nécessaire la vitesse et le volume du trafic motorisé) pour éviter les détours aux cyclistes.

Vers des infrastructures inclusives et adaptées : se former avec l’ADMA pour maîtriser ces nouveaux enjeux

La réussite d’un aménagement cyclable se mesure notamment à sa capacité à accueillir confortablement toute la diversité des usagers et usagères : de l’enfant en phase d’apprentissage sur son vélo au vélotaffeur pressé sur son VAE, en passant par la famille avec vélo-cargo ou un nouveau cycliste découvrant les joies de l’assistance électrique. Cette prise en compte de différents usages et publics nécessite une attention particulière pour la conception des aménagements. 

Pour accompagner les acteurs des territoires dans cette transition, l’ADMA propose des formations intégrant la problématique des vitesses différenciées.

La formation « Connaître les principes et détails de conception d’une voirie cyclable et marchable« , qui aura lieu les 14 et 15 octobre 2025 à Lyon, vous permettra notamment d’explorer en détail les recommandations techniques pour les aménagements cyclables (largeurs, girations, pentes, revêtements) et de comprendre comment adapter ces principes aux besoins spécifiques des différents usagers et usagères. Cette formation gratuite pour les apprenants et apprenantes combine approche théorique et exploration sur le terrain. 

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