Raconter pour transformer : le storytelling au service des mobilités actives

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Résumé

Statistiques, études d’impact, arguments de santé : le plaidoyer en faveur des mobilités actives est solide. Mais est-il toujours vraiment entendu ? Pour passer du discours à l’adhésion, il faut parler au cœur autant qu’à la tête. Et si l’avenir des mobilités actives se jouait dans les récits ?

Thématiques :

Le storytelling est un outil puissant pour changer les perceptions et les comportements. Plongée dans les techniques narratives qui font avancer le vélo et la marche.

Les spécificités du storytelling comme outil de plaidoyer

Le plaidoyer traditionnel en faveur des mobilités actives s’est longtemps appuyé sur des arguments rationnels : statistiques environnementales, gains économiques, ou bénéfices pour la santé. Pourtant, malgré l’accumulation de données probantes, les comportements évoluent lentement. La raison ? Les humains ne sont pas des êtres purement rationnels, ils sont guidés par leurs émotions, leurs valeurs et leurs expériences.

Pourquoi le storytelling est efficace

Le storytelling comble précisément cette lacune en transformant l’information en émotion. Un cycliste ordinaire racontant comment le vélo lui a permis d’améliorer sa santé et son bien-être au quotidien est bien plus convaincant que toutes les statistiques sur la réduction des risques cardiovasculaires. Selon les recherches du psychologue Jérôme Bruner, les informations présentées sous forme narrative sont mémorisées 20 fois mieux que les mêmes informations présentées de façon factuelle.

Pour les mobilités actives particulièrement, le storytelling permet de dépasser les freins psychologiques, les habitudes ancrées et les représentations négatives. Il humanise le changement et le rend désirable plutôt qu’imposé.

Les techniques narratives

S’inspirer des grandes techniques de scénarisation, notamment utilisées au cinéma et dans la littérature, permet de faire passer un message fort : les mobilités actives peuvent devenir l’histoire de chacun et chacune.

Le schéma narratif classique adapté

Cette structure en cinq temps peut être efficacement adaptée au plaidoyer pour les mobilités actives :

  1. Situation initiale : présentation du contexte actuel (dépendance à la voiture, sédentarité) ;
  2. Élément perturbateur : mise en évidence d’un problème (congestion, pollution, stress) ;
  3. Péripéties : description des obstacles et tentatives de solution ;
  4. Résolution : présentation des mobilités actives comme solution viable ;
  5. Situation finale : vision du futur amélioré grâce à l’adoption du vélo ou de la marche.

Cette structure transforme un simple argumentaire en une histoire qui accompagne l’audience dans un voyage de transformation. 

Le voyage du héros appliqué à la mobilité durable

Cette structure narrative, popularisée par l’écrivain américain Joseph Campbell, est particulièrement efficace pour inspirer le changement :

  • le « héros » est un citoyen ordinaire qui décide de changer ses habitudes de déplacement,
  • le « mentor » représente les associations ou experts qui l’accompagnent,
  • les « épreuves » sont les difficultés rencontrées (météo, sécurité, organisation),
  • la « transformation » est le changement de perception et d’habitudes,
  • le « retour » symbolise le partage de l’expérience avec la communauté.

Cette structure est au cœur de nombreux témoignages utilisés par les vélo-écoles, où les récits d’apprenants adultes ayant découvert le vélo tardivement créent un puissant effet d’identification.

La structure problème-solution-bénéfice

Plus concise, cette structure est idéale pour les formats courts :

  1. Problème : exposition claire d’un problème concret lié à la mobilité actuelle,
  2. Solution : présentation des mobilités actives comme alternative viable,

Bénéfices : description des avantages personnels et collectifs.

Les techniques narratives qui font la différence

Un bon récit ne se contente pas d’informer : il immerge, il émeut, il donne envie d’agir.

Utiliser efficacement les données chiffrées

L’intégration des données chiffrées dans une trame narrative renforce votre plaidoyer. Ne présentez pas un chiffre isolément, mais inscrivez-le dans un récit qui lui donne du sens :

Sans storytelling : « La sédentarité multiplie par 2,5 le risque de développer une maladie cardiovasculaire. »
Avec storytelling : « Mathilde, 42 ans, ignorait que sa sédentarité multipliait par 2,5 son risque de maladie cardiovasculaire. Six mois après avoir commencé à se rendre au travail à vélo, son médecin a constaté une amélioration significative de tous ses indicateurs de santé. »

Les éléments sensoriels pour une immersion totale

Les descriptions sensorielles rendent le récit plus immersif et permettent à l’audience de se projeter :

  • Visuel : « Le réseau de pistes cyclables de Paris a augmenté de 78% entre 2019 et 2021, transformant le paysage urbain »
  • Auditif : « Sans les moteurs, on redécouvre les sons de la ville : conversations, rires d’enfants, chants d’oiseaux »
  • Kinesthésique : « La sensation du vent sur le visage, cette liberté quotidienne que procure le vélo »

Créer des personnages auxquels s’identifier

Les récits gagnent en impact en mettant en scène des personnages auxquels le public peut s’identifier. Éviter les cyclistes ou marcheurs « experts » et privilégier des personnes ordinaires qui ont surmonté des obstacles similaires à ceux de l’audience à toucher.

Guide pratique pour construire sa stratégie narrative

Étape 1 : définir ses objectifs et son public cible

Avant de construire un récit, clarifier précisément :

  • Quel changement concret cherche-t-on à obtenir ?
  • Qui est le public principal ?
  • Quels sont ses freins et motivations spécifiques ?

Étape 2 : collecter des témoignages authentiques

Les histoires réelles sont la matière première la plus précieuse :

  • Organiser des ateliers de partage d’expériences
  • Interviewer des utilisateurs réguliers et occasionnels
  • Documenter les parcours de transition vers les mobilités actives

Étape 3 : structurer le récit selon son public

Adapter la structure narrative en fonction de sa cible :

  • Pour les débutants : privilégier la structure problème-solution-bénéfice, claire et rassurante ;
  • Pour les décideurs : opter pour des études de cas détaillées montrant l’impact territorial ;

Pour un public déjà sensibilisé : utiliser le voyage du héros pour approfondir l’engagement.

Étape 4 : déployer sur les canaux appropriés

Le storytelling doit s’adapter aux habitudes de consommation médiatique du public ciblé :

  • Vidéos courtes : efficaces pour les réseaux sociaux et le grand public.
  • Témoignages écrits détaillés : adaptés aux décideurs.
  • Podcasts : appropriés pour toucher un public en mouvement.
  • Installations interactives : pertinentes pour l’espace public.

Les spécificités du storytelling pour les mobilités actives

Si les principes du storytelling sont universels, leur application aux mobilités actives présente des particularités qui méritent une attention spéciale. Comment adapter les récits à la diversité des publics concernés par le vélo et la marche ? Comment nourrir sa créativité ? Quelles sont les erreurs à éviter ?

Adapter son storytelling aux différents publics

Un même message ne touche pas tout le monde de la même façon : à chaque public, son récit.

Pour les citoyens : récits de transformation personnelle

Pour toucher le grand public, privilégier les histoires centrées sur les bénéfices individuels immédiats et les transformations personnelles. Des témoignages comme celui d’Alexandre, qui a suivi une formation dans une vélo-école puis créé son association de réparation, illustrent parfaitement le potentiel transformateur des mobilités actives.

Les récits destinés aux citoyens doivent mettre en avant :

  • les gains de liberté et d’autonomie procurés par le vélo ou la marche,
  • les économies réalisées (par exemple : 10 km par jour représentent 100 €/an à vélo contre 1000 €/an en voiture selon l’ADEME),
  • les bénéfices pour la santé physique et mentale,
  • la simplicité du changement et les solutions aux obstacles perçus.

Pour les élus : récits de transformation territorial

Les décideurs publics sont sensibles aux récits qui illustrent l’impact positif des mobilités actives sur le développement et l’attractivité des territoires. 

Pour ce public, le storytelling doit intégrer :

  • des données économiques sur les retombées,
  • des exemples de réussite d’autres collectivités similaires,
  • des témoignages de commerçants sur l’impact positif des aménagements (par exemple, les piétons et cyclistes sont des clients plus fidèles et font davantage d’achats de proximité),
  • des histoires de reconquête de l’espace public et d’amélioration du cadre de vie.

Pour les entreprises : récits de productivité et d’engagement

Les entreprises sont réceptives aux histoires démontrant comment les mobilités actives peuvent renforcer la productivité, réduire l’absentéisme et améliorer l’image de marque. Le narratif pour ce public devra mettre en avant :

  • les effets positifs sur la réduction de l’absentéisme et la productivité,
  • des témoignages de dirigeants ayant constaté une amélioration du bien-être et de la cohésion d’équipe,
  • des success stories d’entreprises ayant mis en place des politiques de mobilité durable,
  • le lien avec la responsabilité sociale et environnementale (RSE).
Erreurs à éviter dans son storytelling
Le storytelling déconnecté de la réalité locale

Une erreur fréquente consiste à promouvoir une vision idéalisée des mobilités actives sans tenir compte des contraintes spécifiques du territoire. 

À éviter : présenter Amsterdam comme modèle absolu pour une petite ville française.
À privilégier : adapter les exemples au contexte local ou utiliser des cas de réussite dans des territoires aux caractéristiques similaires.

L’exagération des bénéfices

Dans l’enthousiasme pour la cause, on peut être tenté d’embellir la réalité ou d’exagérer les bénéfices, ce qui nuit à la crédibilité. Le storytelling efficace reconnaît honnêtement les défis et les inconvénients, tout en montrant comment ils peuvent être surmontés.

À éviter : « Le vélo résoudra tous vos problèmes de santé immédiatement. »
À privilégier : « Magali a commencé progressivement, en remplaçant un trajet en voiture par semaine. Après six mois, elle pédalait quotidiennement et a constaté une amélioration significative de sa condition physique. »

Le récit centré sur l’organisation plutôt que sur le public

Une erreur courante consiste à se focaliser sur l’organisation plutôt que sur le public et ses besoins. Pour éviter cet écueil, placer toujours le public au centre de l’histoire et positionner son organisation comme un « mentor » ou un « guide » plutôt qu’un « héros ».

Exemples de storytelling inspirants

« Les Roues du Possible » : changer le regard par des témoignages authentiques

La série documentaire « Les Roues du Possible » propose une approche narrative puissante en donnant la parole à des usagers du vélo souvent invisibilisés : personnes en situation de handicap dans un premier épisode, et seniors de plus de 70 ans dans un second. À travers des témoignages, ces films valorisent le vélo comme outil d’inclusion.

Mécanisme narratif sous-jacent : l’inversion du regard et la déconstruction des idées reçues. Ces documentaires utilisent le ressort narratif de la « révélation » en montrant comment des personnes supposées en incapacité de faire du vélo (à cause d’un handicap ou de leur âge) transforment cette impossibilité supposée en un autre possible. Ce qui fait la force de cette narration, c’est qu’elle ne présente pas ses protagonistes comme des héros extraordinaires, mais comme des usagers ordinaires dont le quotidien est simplement facilité par le vélo.

La « Règle des 430 » de Trek Bicycle : transformer une donnée technique en récit motivant

Le fabricant de vélos Trek Bicycle a développé un concept narratif avec sa « Règle des 430 ». Cette règle simple énonce qu’après avoir parcouru 430 miles à vélo (environ 690 km), un cycliste compense l’empreinte carbone nécessaire à la fabrication de son vélo. Ce chiffre est devenu le pilier d’une campagne de communication pour inciter à utiliser le vélo plutôt que la voiture.

Mécanisme narratif sous-jacent : l’objectif atteignable et mesurable. Le ressort narratif utilisé est celui de la quête avec une récompense clairement identifiée. En créant cette « règle », Trek transforme une donnée abstraite (l’empreinte carbone) en un objectif concret et personnel. Ce mécanisme utilise le principe narratif du « seuil » ou de la « ligne d’arrivée » qui motive l’engagement en donnant un sens tangible aux efforts fournis.

De la narration à l’action : l’art de faire avancer les mobilités

L’avenir des mobilités actives ne dépend pas seulement des infrastructures et des politiques publiques, mais aussi de la capacité à créer et partager des récits qui donnent envie, qui touchent et qui transforment. Raconter avant d’argumenter, émouvoir avant de convaincre, faire vivre l’expérience avant même qu’elle ne soit vécue.

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